Les neurosciences ont observé que l'activité cérébrale se polarise en 3 axes. Lorsqu'une région du cerveau ne trouve pas son compte, elle perturbe l'ensemble de l'activité. D'où l'intérêt de nourrir consciemment les 6 pôles du cerveau.
Journaliste de formation
Pionnier de la formation "écrire pour le web"
Auteure de "Bien rédiger pour le web",
Eyrolles, 4e édition (la 5e est en cours)
Ce dossier est totalement innovant et exclusif. Il nous a demandé des heures de recherche. Merci, en conséquence, de respecter les droits d’auteur. Toute reprise de contenu textuel ou visuel devra faire l'objet d'une autorisation écrite des auteurs. Merci et bonne lecture :-)
Avons-nous un cerveau ou plusieurs cerveaux ? La question n’est pas aussi absurde qu’elle y paraît. Certes, nous avons dans le crâne une énorme masse neuronale dense et complètement interconnectée, qui dans ce sens, apparaît comme un organe unifié. Mais à y regarder de plus près, on observe une réalité plus subtile.
D’une part, le cerveau est divisé en différentes parties, physiquement marquées par des plis ou des sillons, et l’activité cérébrale semble fortement segmentée entre ces différentes « pièces » du cerveau. Lobe frontal, lobe occipital, lobe temporal, lobe pariétal, cervelet, thalamus, amygdale, hippocampe… et j’en passe !
D’autre part, nous possédons des millions de neurones dans d’autres endroits de notre corps. Le cœur et les intestins, notamment, contiennent une « intelligence » détachée, en contact avec nos organes cérébraux. À tel point qu’il n’est pas insensé de proposer de lire un texte « avec le ventre ».
Source : https://www.youtube.com/watch?v=Ivfee2XyiyI
« Notre tube digestif contient autant de neurones que le cerveau d’un petit animal de compagnie », selon Michel Neunlist, directeur de l'Unité Neuropathies de l’Université de Nantes.
Qu’est-ce qui explique que nos connaissances sur le cerveau aient autant progressé ces 20 dernières années ? C’est, de toute évidence, l'évolution des technologies d'imagerie cérébrale qui a ouvert le développement spectaculaire de notre connaissance du cerveau. Nous avons désormais la capacité de photographier l’activité cérébrale en temps réel simultanément à l’observation de certaines tâches notamment liées aux activités de mémorisation, d'apprentissage, de gestion des émotions ou de stimulation de l’attention et de la motivation.
D’ailleurs, entre nous, qu’est-ce que la communication sinon la volonté d’attirer l’attention, de faire mémoriser un message, de provoquer des émotions ou de susciter des actions ? Quel est le rêve d’un rédacteur si ce n’est d’impacter son lecteur au plus profond de ses pensées, de ses ressentis, de ses comportements et de son attention ? Il est tout à fait scientifique d’affirmer qu’un bon texte laisse des traces dans le cerveau du lecteur.
« Un bon texte modifie le cerveau du lecteur. Le rédacteur talentueux est, d’un certain point de vue, un creuseur de sillons neuronaux ! »
Précisons tout de même que l’engouement pour les neurosciences fait qu’elles sont actuellement souvent galvaudées. Les neurosciences se définissent, à l’origine, comme l'étude du système nerveux. On les réduit souvent, ces dernières années, à l'étude du cerveau et aux neurosciences dites "cognitives", lesquelles ne sont, en réalité, qu'une branche des neurosciences. Mais c’est la branche qui, de fait, nous intéresse tout particulièrement dans le domaine de l’information et de la communication.
Les technologies d’imagerie cérébrale, comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), permettent d’observer l’activité cérébrale avec une précision de plus en plus grande. Et notamment l’impact des mots !
Cerveau gauche ou cerveau droit ? Cette approche très binaire était la tendance dans les années 1990. À tel point que certains allaient jusqu’à diviser le monde en deux : les droitiers et les gauchers, les créatifs et les rationnels, les hommes bricoleurs et les femmes intuitives. Non pas que ces tendances ne correspondent à aucune réalité, mais à l’analyse, elles s’avèrent très réductrices.
Un modèle neuroscientifique beaucoup plus subtil est celui de Aleksander Luria. Il représente l’activité cérébrale en 3 axes et 6 pôles. Bien que basé sur des travaux datant de 1973, ce modèle est riche, car il permet, au départ de ces 3 axes, de dégager des combinaisons plus fines, qui nous rapprochent de la réalité cérébrale, tout de même plus complexe qu’une route à deux bandes.
Vous avez une écriture créative ou analytique ?
Cette présentation « bipolaire » du cerveau continue d’imprégner les esprits et inonde le web et les banques d’images. En réalité, elle est assez réductrice.
Voyons maintenant, un peu plus dans le détail, les 3 axes de Aleksander Luria et traduisons leur impact sur les techniques de rédaction. Il semble que notre cerveau polarise son activité dans l’espace, de gauche à droite, de haut en bas, d’arrière en avant, selon des axes logiques que nous allons décrire ici.
Est-ce que je vois l’arbre ou la forêt ? C’est sans doute la question qui résume le mieux ces deux logiques cérébrales complémentaires, l’une analytique, l’autre synthétique. Le cerveau droit construit une image mentale globale, qui relie, qui donne du sens, qui permet de se situer. Le cerveau gauche décortique chaque détail, amenant la précision et la nuance, se concentrant sur les composants et ajoutant des bémols chaque fois que c’est nécessaire.
Votre lecteur a-t-il besoin de voir l’arbre ou la forêt ? Cela dépend.
Désire-t-il cueillir des noisettes ou trouver son chemin vers la clairière ?
À certains moments, votre lecteur a besoin de voir la forêt, de percevoir votre offre dans sa globalité, de situer votre produit dans une gamme plus complète, d’appréhender un processus administratif dans sa totalité avant de s’engager à remplir les premiers champs.
À d’autres moments, ce même lecteur va avoir besoin de détail, de vérifier si la chaussure existe en mauve, de suivre des étapes point par point, d’accéder à des caractéristiques détaillées, d’avoir des exemples concrets de ce dont vous parlez.
Ces deux besoins sont complémentaires. Un texte ou un site web de qualité seront capables de nourrir les deux logiques, facilitant l’aller-retour entre la vision globale et l’information de détail.
« L’art de la rédaction dans un espace interactif tel que le Web, c’est de parler au bon pôle du cerveau au bon moment. »
Dans notre formation « Rédaction & Neurosciences », nous identifions et créons avec les participants des éléments de communication susceptibles de venir nourrir efficacement l’une ou l’autre de ces polarités. Par exemple, le chapô d’un article ou une infographie « en un coup d’œil » viendront nourrir le besoin de synthèse propre à l’hémisphère droit, tandis qu’un exemple chiffré ou une liste à puces tiendront plutôt de la logique « point par point », propre à l’hémisphère gauche.
Mon contenu est-il trop chaud ? Trop froid ? Quelle est la bonne température à adopter pour un texte de loi, une brochure informative, un article de blog scientifique ? Faut-il parler de manière impersonnelle ou s’adresser directement au lecteur ? Comment développer l’empathie, la sympathie, la convivialité et la relation en respectant la bonne distance et en restant neutre, pertinent et objectif ?
C’est le curseur que nous devons placer sur l’axe affectif, sachant que le pôle bas du cerveau est subjectif, personnel, marqué par son humeur et par son histoire, sensible aux spécificités, voire susceptible, et le pôle haut, quant à lui, est formaté, procédural, factuel, universel, soucieux de respecter les mêmes règles pour tout le monde. La lettre d’amour, la circulaire ministérielle et le communiqué de presse se situeront à des niveaux différents. Mais même un texte juridique mérite un peu de cœur, non ? Et une lettre d’amour, un peu de structure ?
À prendre en compte : la culture d’entreprise change ! Même les entreprises multinationales, les industries B2B et les institutions administratives l’ont compris : aujourd’hui, l’empathie est un gage de performance et de réputation. Le tout est de trouver la tonalité qui sonne juste. Que diriez-vous si nous avions commencé cet article par « Salut les gars et les filles de la COM, ça roule ? Aujourd’hui, on vous parle de neurosciences ! » ? Peut-être que cela aurait plu à certains. Peut-être que d’autres auraient pris leurs jambes à leur cou :-)
Ci-dessus, le site web France Diplomatie présente une information officielle et objective en s’adressant directement au visiteur (« vous ») et à sa situation personnelle. La communication reste factuelle, mais tout de même humaine.
Les tentatives empathiques des rédacteurs et rédactrices en entreprise se heurtent parfois aussi à des clichés, qui peuvent faire fuir le lecteur dans la seconde. Notamment lorsque la tentative de personnalisation échoue à rencontrer la réalité du lecteur. Par exemple (et nous parlons de vécu), une compagnie aérienne qui dirait : « Vous avez choisi l’Espagne pour vos vacances, bravo ! »… « Eh bien, non, pas du tout, je me rends à Malaga pour une réunion administrative, arrêtez de penser à ma place ! ».
Avec nos stagiaires en formation « Rédaction & Neurosciences », nous nous posons cette question : comment mettre du cœur dans notre communication d’entreprise sans tomber dans la familiarité déplacée ni mettre des étiquettes simplistes à nos visiteurs.
Le pôle arrière examine, réfléchit, prospecte, envisage les choses, pèse le pour et le contre, évalue s’il peut faire confiance. Le pôle avant, lui, passe à l’action.
Un visiteur qui débarque sur votre site web sans vous connaître aura certainement besoin d’être rassuré. Vous parlerez à son cerveau arrière en indiquant vos références clients, une photo sympathique de votre équipe, des statistiques encourageantes ou des FAQ qui répondent à chaque question fréquente.
Et au moment venu, si le pôle arrière lui en donne le feu vert, le pôle avant du cerveau de votre visiteur plongera sur votre « call-to-action », ce beau bouton orange avec une grosse flèche, qui crie « Allez, cliquez, c’est par ici ! ».
Un bon site web maîtrise la balance entre, d’une part, rassurer, nourrir le choix, laisser le contrôle à l’utilisateur et, d’autre part, pousser à l’action, provoquer l’engagement, le commentaire, l’abonnement, l’achat. Il y a un temps pour la réflexion, un temps pour l’action. L’une nourrit l’autre.
Sur le Web, on rencontre les deux extrêmes. Certaines pages sont ultra promotionnelles, invitent avec insistance à prendre contact ou à cliquer, mais elles ne contiennent que peu d’arguments. On nous pousse à acheter un chat dans un sac.
Ci-dessus, la rubrique « Tarifs » de l’application Sarbacane.
En réalité, la seule information donnée sur les tarifs est qu’ils démarrent à 59 euros par mois. Nous n’avons absolument aucune idée de ce que ce tarif plancher inclut. Le visiteur est immédiatement contraint de prendre contact avec un commercial de l’entreprise pour obtenir une offre plus précise. Autant vous dire que le pôle arrière du cerveau de certains visiteurs risque de grincer !
À l’autre extrême, certaines entreprises offrent un contenu éditorial d’une grande qualité, mais sans avoir pensé à convertir le lecteur. Aucune possibilité de s’abonner, aucun lien vers l’offre commerciale, aucune signature mettant en valeur un expert de l’entreprise. S’il s’agit de philanthropie ou de partage passionné, fort bien ! Mais la plupart du temps, il s’agit d’une entreprise qui sépare l’éditorial et le commercial.
Tout l’art du marketing de contenu, c’est ce passage du pôle arrière vers le pôle avant, cette conversion de l’éditorial vers le commercial. Beaucoup d’entreprises échouent à mettre en place cette dynamique pour la simple raison qu’elles séparent la communication et la vente, confiant ces deux actions à des départements, à des rubriques ou à des prestataires complètement distincts. Mais la culture évolue.
Nous aurions tort de faire jouer les cerveaux les uns contre les autres. Nous ne sommes pas dans un bras de fer entre cerveau gauche et cerveau droit, cerveau haut et cerveau bas. Il n’y a pas à « choisir ». S’il y a bien une chose que les dernières études en neurosciences nous invitent à intégrer, c’est le fait que nous gagnons, au contraire, à réunir nos différentes polarités.
Pour dire les choses plus concrètement, une information passera mieux, aura plus de chances d’attirer l’attention, d’être mémorisée et de conduire à l’action, si elle s’entend avec les différentes parties du cerveau.
À l’inverse, si un pôle du cerveau ne trouve pas son bonheur (par exemple le pôle bas qui estimera qu’un texte ne convient pas à SA situation personnelle, ou bien le pôle droit qui se perd dans le détail et ne parvient pas à se nourrir d’une vue d’ensemble), ce pôle frustré pourra décider de boycotter l’équipe et handicapera grandement les performances d’un apprentissage ou d’une lecture. Lorsqu’une partie du cerveau bloque, c’est l’ensemble qui en souffre. Le résultat est souvent sans appel : la personne est perdue, abandonne la lecture ou quitte la page web.
Faites un article brillant et hyper détaillé sans synthèse, et vous découragerez la plupart des lecteurs d’engager leur énergie et de retenir quoi que ce soit. Faites un très beau résumé sans l’étayer par le moindre détail, et vous échouerez sans doute à rendre les choses concrètes ou à sembler consistant.
Soyez uniquement factuel et vous prendrez le risque d’être froid et de ne pas susciter l’enthousiasme. Multipliez les superlatifs affectifs, votre discours n’en sera pas instructif pour autant et il n’est pas garanti que vos élans soient partagés !
« Imaginez les 6 pôles du cerveau comme composant votre comité éditorial virtuel ! Relisez votre texte en le faisant valider par chacun de ces acteurs. »
Pour effectuer une tâche efficacement,
et pour communiquer efficacement à propos d’une tâche,
nous avons besoin de faire appel aux différents pôles du cerveau !
De nombreux modules de formation en ligne à la rédaction vous attendent chez Yellow Dolphins Academy !
Vous y apprendrez notamment à déployer toute la puissance de votre écriture grâce à la formation "Rédaction & neurosciences" !