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L’écriture web : une imposture ?

J’aimerais rebondir sur un billet intéressant, lu sur Médiaculture et intitulé “Les impostures de l’écriture web”. Je partage pleinement une bonne partie de la colère exprimée par ce billet, mais, dans le même temps, je voudrais y répondre avec certaines nuances.

Cyrille Frank exprime un coup de gueule (argumenté et brillant) contre un certain réductionnisme pratiqué par certains consultants. Tout comme lui, je suis allergique aux recettes de cuisine formatées et faciles à dispenser. Mais dans le même temps, la pédagogie et la démarche qualité exigent parfois d’identifier des facteurs d’efficacité qui, interprétés de manière trop systématique, laissent à penser que nous raisonnons de manière simpliste.

Si l’on en croît la vulgate de certains « experts » journalistiques ou marketing … il s’agirait de suivre des règles incontournables si l’on veut plaire au lecteur et faire de l’audience.

Source : Le petit prof (film de Carlo Rim)

Bien sûr, les règles trop carrées sont stupides, ennuyeuses et enfermantes, et j’ai déjà exprimé être le premier surpris lorsqu’on parle de l’écriture web comme d’une réalité monolithique avec ses principes immuables et transcendants. Dans ce billet déjà ancien, je jetais un oeil sur le discours de mes respectés confrères passionnés d’écriture web, et j’y voyais plus de nuance que de dogmatisme. Entre-temps, d’autres se sont joints à nos réflexions, comme Isabelle Canivet ou Eve Demange, qui elles non plus, n’ont rien de castrateur au niveau de la pensée éditoriale. Donc je voudrais exprimer le fait que l’écriture web est parfois perçue comme une réalité réductrice, non pas par ceux qui s’y intéressent vraiment, mais par ceux qui lisent et interprètent les conseils superficiellement.

Car les règles viennent aussi d’un désir très louable de pédagogie. Elles permettent de cadrer le bon sens et l’efficacité. Même s’il reste toujours légitime d’y faire exception lorsque le contexte s’y prête, on est bien d’accord. C’est là qu’ont leur place mes 44 conseils pour bien écrire pour le web, ou autres clés pour organiser vos contenus qui, même si j’aime les remettre en question(*) à la moindre situation concrète, restent des contenus très téléchargés par les visiteurs, donc correspondant à certaines attentes pragmatiques.

Et puis, il arrive que les règles entrent en conflit. La beauté du Web provient, à mes yeux, de cette nature multidisciplinaire, cette rencontre des métiers, telle qu’elle me fascinait déjà dans le cinéma.

Dans mon prochain billet (ça y est, c’est fait, la suite par ici !), je reviendrai sur les arguments de Cyrille, pour les applaudir ou les discuter, mais voilà déjà un sentiment général par rapport à son article, dont j’adore la conclusion, finalement bien balancée : “Garder à l’esprit que les usages changent vite et nécessitent surtout une écoute attentive pour s’adapter. Ainsi qu’une dose de créativité pour proposer. Un bon supermarché fournit rayons ET têtes de gondoles.”.

(*) D’ailleurs, vous voyez, mon billet est rempli de liens hypertextes digressifs, dans le corps de texte… chose que je déconseille dans les 44 conseils 😉

Commentaires des lecteurs

  • Comment by Eve — 21 January 2011

    Hello Jean-Marc,

    Merci de m’avoir signalé cet article sur Mediaculture. La réflexion de Cyrille Franck est intéressante. Mais je n’aime pas le titre : "Les impostures de l’écriture web".

    Je me souviens, lors d’une de nos premières discussions, tu m’as dit "je n’aime pas parler de règles mais plutôt de bonnes pratiques". Pour ma part, je ne crois pas que les "règles" soient mauvaises. Ecrire pour un site Internet ne va pas du tout de soi. C’est pour cela que l’on a besoin de repères, de "bonnes pratiques", de "principes" ou de "règles" peu importe comment on les appelle.

    On n’écrit pas pour un site comme on écrit pour un journal papier. On ne pense pas la narration linéaire comme on pense la narration hypertexte. Dans un cas, on peut faire entrer le lecteur dans le raisonnement de l’auteur et le tenir jusqu’au bout. Dans l’autre, ce lecteur peut s’échapper à tout moment par un lien hypertexte. Il n’en fait qu’à sa tête, ce lecteur ! Alors il faut imaginer différents scénarii/chemins de lecture et proposer plusieurs niveaux d’infos, travailler la "granularité de l’info" comme dit Muriel (Vandermeulen) ou "l’écriture en volume" dont parlait déjà Joël Ronez en 2007 dans son excellent petit livre "L’écrit web".

    Tout cela, ça demande une bonne connaissance du média et de ses possibilités techniques. Il y a des "règles" à suivre malgré tout. Il faut se rappeler les longs textes print "jargonesques" directement importés sur le web et jamais lus (d’ailleurs je me demande s’ils étaient lus en print aussi…). Ou bien les discours marketing blablateux complètement inutiles que l’on pouvait trouver aux débuts du web (et même encore maintenant – il faut le temps que les CR de pub se mettent vraiment sérieusement au web).

    Les règles "faire court", "explicite", "éviter le discours marketing" etc., etc. ont quand même fait progresser un peu le shmilblik.

    Le cerveau humain est "messy" comme aime à le rappeler Rachel Lovinger de Razorfish, spécialiste du web sémantique. Le web reflète le chaos de l’intelligence et du savoir humain. Le web est un media sur lequel l’écrit sert à tout : navigation, information, communication, vente. C’est un media magnifique et… "very messy" !

    Comment organiser ce grandiose chaos virtuel et offrir la bonne information au bon moment ? Voilà un sacré challenge à relever pour les professionnels du web, référenceurs, ergonomes et rédacteurs web en première ligne.

    Si les règles peuvent nous aider dans ce travail d’amélioration de la qualité éditoriale web, alors c’est bien. Je trouve que les règles, c’est comme la religion. Pas mauvais en soi. Il faut simplement faire attention à la manière de les interpréter. Et surtout se rappeler que chaque site, chaque cas est différent, unique. La sueur, l’observation, l’analyse, il n’y a que ça de vrai.

    Allez, assez parlé, au boulot !

  • Comment by jmh — 21 January 2011

    @ Merci pour ton commentaire généreux, Eve. J’aime ta comparaison finale avec la religion. C’est le dogmatisme qui est critiquable. Pas le souci de baliser les chemins et la réflexion.

  • Comment by Muriel GANI — 27 January 2011

    Toute règle est faite pour être transgressée, l’important est de connaître cette règle – au sens de repère – et de savoir pourquoi on la transgresse. Voici ce que je dis souvent en formation. Comme l’écriture, la pédagogie est nuance. Si elle appelle d’abord des règles/repères, elle gagne rapidement à les relativiser. Muriel

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