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Un titre optimisé lui coûte 2500 euros

Avouez que le titre : « L’endroit à éviter au Cap-Ferret : Il Giardino » est plus accrocheur que « J’ai un avis, qui vaut ce qu’il vaut, sur le restaurant Il Giardino au Cap-Ferret ». Non ?

Concis, factuel, clair et géolocalisé : le titre « L’endroit à éviter au Cap-Ferret : Il Giardino » avait tout pour plaire. Malheureusement, la blogueuse qui relatait une mauvaise expérience dans ce restaurant a été poursuivie en justice.

Verdict : une condamnation à payer 1500 euros à titre de provision de dommage et intérêts ainsi que 1000 euros de frais de procédure (voir cet article de l’Express).

Critique acquittée, titre condamné

Le tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que la critique en elle-même « relève de la liberté d’expression », mais que le titre tombe sous le coup du dénigrement (article 1382 du code Civil), dans le sens où il « jette publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise ».

Le tribunal a souligné que ce titre est mis en cause, car « particulièrement apparent non seulement pour les followers (…) mais aussi pour l’internaute sur Google en raison d’un emplacement en 4e position accompagné d’une photographie de l’auteur » (qui, cela dit au passage, ne s’affiche plus sur la SERP).

La qualité du référencement intervient ici comme une circonstance agravante.

Notez que si l’intention de la blogueuse était de nuire en tablant sur un bon référencement, elle aurait commencé par optimiser toutes les balises h1 et h2 de son site, elle aurait renseigné les attributs alt, etc.

Il Giardino : code HTML des cultur'elles

Mais pour vous faire une opinion, lisez l’article pénalisé (article original qui reste accessible dans les archives du Web).

Titre et chapeau : indissociables

Le titre est un élément très visible sur les pages de résultats, à condition qu’il soit repris comme title, dans les flux sur les réseaux sociaux, au sein de la page. Mais le chapeau ou les premières phrases de l’article obtiennent également des taux de lecture très élevés. Généralement, ils livrent l’essentiel sur le mode de la pyramide inversée. C’est le cas pour notre blogueuse. Lisez plutôt :

« Le Cap-Ferret est peut-être le Paradis, mais force est de constater qu’il y est un lieu, autrefois charmant, qui n’évoque plus guère ni le jardin d’Eden ni celui d’Épicure : le petit restaurant Il Giardino, spécialisé dans les pizza (mais pas que !) comme son nom italianisant le laisse présumer, et où nous avions l’habitude de nous rendre une ou deux fois par an. Cette année, ne dérogeant pas à cette tradition désormais ancrée dans le déroulement de nos vacances, nous y allâmes dîner.
Comme le titre de cet article le laisse présager, nous fûmes déçus. »

Les moteurs de recherche peuvent choisir d’afficher le chapeau sur la page de résultats. En associant le titre le chapeau, le message de l’article est complet et dit l’essentiel. Juger un contenu sur son seul titre est dangereux, d’autant plus si l’auteur recourt aux jeux de mots.

Avant de traiter les litiges touchant les contenus Internet, nulle justice ne devrait ignorer les comportements de lecture des internautes… À quand des formations en contenus web pour les magistrats ?

Faut-il désormais s’auto-censurer ?

Le monde du référencement et les community managers doivent-ils dorénavant se museler ? Apparemment pas.

Selon l’avocat blogueur Maître Eolas (www.maitre-eolas.fr/), cette blogueuse n’aurait jamais dû être condamnée.

Il explique : « Pour qu’il y ait dénigrement par un particulier, il faut qu’il y ait intention de nuire, soit par un concurrent, soit par intérêt de nuire caractérisé ».

Concurrente ? Intérêt de nuire ? Qui est donc ce hors-la-loi ?
L’Irrégulière, comme elle se présente, est une agrégée de lettres modernes et docteure en littérature comparée, prof de lycée. Elle tient un blog dont l’objectif est de parler de ce qu’elle aime (ou pas), de livres, films, de mode, beauté, photographie, des hommes et de l’amour : http://leschroniquesculturelles.com/apropos/.

Maître Eolas estime qu’elle a fait l’erreur de croire qu’elle pouvait s’en sortir sans prendre un avocat.
Inquiétant.

Nous en conclurons qu’en matière de justice, la bonne foi et le bon sens ne suffisent pas.
Inquiétant.

Difficile de suivre le raisonnement de la justice. A la même période (août 2013), un internaute auteur confirmé donnait son avis (sur Tripadvisor.fr) qui rejoint l’avis de notre blogueuse condamnée. Le titre quant à lui est non équivoque : « Nul ». Alors pourquoi sanctionner l’un et pas l’autre ? L’internaute peut-il donner son avis ou pas ?

Restaurant Il Giardino : avis des internautes avant le buzz

La Justice est-elle alors subjective ?
Inquiétant.

Il Giardino a une réaction que l’on ne peut que déplorer, certes, et la gérante n’en mesurait sans doute pas les conséquences. Mais il ne faudrait pas se tromper de procès : la Justice est responsable de sa décision. Elle doit être dénoncée !

La vengeance… un plat qui se mange froid

Certes, le restaurant a « gagné » 1500 euros, mais quid des retombées de cette condamnation sur le commerce ?

Un coup de sonde sur les pages de résultats sur la requête « Cap-Ferret : Il Giardino » parle de lui-même. 4 résultats ternissent la réputation du restaurant, un seul est positif. Et pourtant, pas de trace de l’article de la blogueuse, qu’elle a retiré de son blog.

Restaurant Il Giardino : résultat sur la page de résultats

Une réputation… indigeste, en attestent les commentaires sur sa page Google+.

Restaurant Il Giardino : bad buzz sur Google+

 

Restaurant Il Giardino : bad buzz

On ne badine pas avec la libre expression !

Les avis des internautes n’incitent pas à la réservation : sur 133 avis, une cote de 1,6… La critique de la blogueuse se transpose en statistiques… sans titre et sans pénalité.

Restaurant Il Giardino : avis des internautes

Deux heures plus tard, la note descendait de 1,6 à 1,3 !

Restaurant Il Giardino : avis des internautes

Perdu dans le tollé général, un avis « élogieux » plus qu’isolé sur la page Google+ :

Restaurant Il Giardino : faux avis d'un internaute ?

Faux avis ? Dans l’affirmative, une condamnation en perspective pour concurrence déloyale ? Et si l’Irrégulière l’attaquait pour faux et usage de faux ?

Que dit l’Irrégulière ?

La blogueuse a demandé au blog Les gourmands 2.0 de publier un message. Nous nous permettons de le relayer ci-dessous.

Message de la blogueuse condamnée sur Les Gourmandes 2.0

Allez, en confiant la rédaction de votre contenu à d’autres, vous ne prenez pas tous les risques 😉

Commentaires des lecteurs

  • Comment by Cedric — 12 July 2014

    Franchement, la justice m’inquiète de plus en plus en France ! C’est plutôt le règne de l’injustice oui !
    Si elle se met à condamner une blogueuse qui ne fait d’exprimer son avis, où va-t’on??? J’espère que la blogueuse en question “L’irrégulière” va faire appel et obtiendra gain de cause en appel, car ce jugement est un véritable scandale !!!

    “Selon que vous êtes riche ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir” disait Lafontaine, on est en plein dedans !

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    Comment by Isabelle Canivet — 13 July 2014

    Bonjour Cédric,

    Mais… pas seulement en France… Lafontaine voyait juste.
    Cette décision de justice est incompréhensible.
    Merci de votre commentaire !

    Bonne journée,

    Isabelle & Jean-Marc.

  • Comment by Quentin — 13 July 2014

    C’est tout bonnement affligeant, et comme vous le dites si bien, sincèrement inquiétant et pour la liberté d’expression, et pour l’avenir de la profession, que ce soit pour le referencement de manière générale ou pour la rédaction web…

    Merci Isabelle pour cet excellent article, je partage !

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    Comment by Isabelle Canivet — 13 July 2014

    Salut Quentin,
    Merci pour ce commentaire. Nous sommes d’accord… Mais continuons à optimiser nos titres 🙂 Même pas peur !
    Bonne continuation,
    Isabelle.

  • Comment by Patrice — 23 July 2014

    Holalala, mais c’est terrible !!!! Mais c’est quoi cette justice !!!! La pauvre bloggueuse elle doit être dans tous ses états, si j’était elle je remuerai la communauté web pour que tout le monde publie sur ce restaurant, ce ne sera pas 1 page, mais 10 000 et vite fait bien fait !!!

  • Comment by Vincent — 24 July 2014

    Je vais commencer à faire gaf à mes optimisations SEO ! Très bon article, j’en avais entendu parler mais je pensais que c’était un fake..

    Bizarre que Google n’ait pas de réaction face à cette injustice 1.0 !

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    Comment by Isabelle Canivet — 25 July 2014

    Merci Vincent 🙂
    Google ne peut pas intervenir et heureusement où ce serait la porte à la censure et à la subjectivité.
    Mais cette réaction de la justice fait peur. Soyons néanmoins courageux… continuons à écrire pour les utilisateurs et à nous exprimer dans le respect, mais dans la vérité !
    Bonne journée,
    Isabelle et Jean-Marc.

  • Comment by Marc — 7 August 2014

    Toute liberté s’arrête là où commence celle des autres. Il est certes difficile de réaliser ce principe mais il faut le faire si l’on veut une société en harmonie. Pensez un peu à ce que vous sentirez si quelqu’un vous dénigrerait ou vous insulterait sur la toile. Ne vous sentirez-vous pas un peu vexé ou même en colère? Il faut exercer ses droits mais aussi penser à ceux des autres. En effet, si tout le monde ne faisait qu’exercer ses droits sans considérer ceux des autres, nous finirions par nous entre-tuer.

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